- BOROBUDUR
- BOROBUDURLe Borobudur est situé à quarante kilomètres au nord de Yogyakarta, dans la partie centrale de l’île de Java. On a souvent noté la dualité du monument, son aspect à la fois pyramidal, avec ses nombreux plans horizontaux, et son aspect hémisphérique qui fait que l’on ne peut se méprendre sur le caractère bouddhique de son enveloppe. Cela n’est pas dû à la volonté d’un seul maître d’œuvre mais à des circonstances historiques. En effet, le premier état de l’édifice montre une pyramide à gradins unis sans reliefs et, pour augmenter la hauteur apparente, on a utilisé des effets perspectifs qui sont à Java le propre de l’architecture hindouiste. Depuis le début du VIIIe siècle, la partie nord du centre de Java était gouvernée par une dynastie sivaïte, les Sanjaya. Une inscription de cette dynastie, datant de 732, est gravée sur le Candi Cangal au sud du Borobudur. Les Sanjaya ont abrité un prince khmer qui allait devenir en 802 le roi Jayavarman II et l’on reconnaît dans les réalisations de ce roi au Cambodge le projet avorté du premier Borobudur: une pyramide à gradins entourée de sanctuaires de brique, car les monuments liés à Borobudur, le Candi Mendut et le Candi Pawon, sont édifiés sur des temples de brique; on voit grâce à ces éléments que, malgré l’inachèvement du premier état (la pyramide ne dépassait pas le second gradin), celui-ci devait être destiné à un culte hindouiste.Les travaux des SaïlendraVers le milieu du VIIIe siècle, dans la partie sud du centre de Java, s’est établie une dynastie bouddhique, les Saïlendra, qui furent de grands bâtisseurs; on leur doit, par exemple, le grand complexe du Candi Sewu et sous leur impulsion le bouddhisme s’est étendu. Vers 795, ils ont atteint le cours supérieur du Progo et ont trouvé la pyramide du Borobudur inachevée; sans doute ont-ils estimé qu’il était politiquement impossible de ne pas transformer une marque si évidente de la puissance sivaïte. Aussi ont-ils repris les travaux en leur donnant un caractère bouddhique et en supprimant les effets perspectifs. En rompant la continuité des escaliers et en surchargeant les bords des gradins, ils causèrent de graves accidents durant le cours des travaux. Alors que l’édifice était presque achevé, les maîtres d’œuvre ont dû étendre la base et cacher les reliefs inférieurs qui étaient déjà sculptés, et le projet du plateau supérieur a été profondément modifié pour le rendre moins pesant.La reprise du Borobudur par les Saïlendra correspond, chronologiquement, à l’apparition dans le centre de Java du culte des cinq Jina ; en effet, une inscription découverte sur le Candi Sewu, et datant de 792, fait état de la transformation du temple. Non seulement l’architecture, mais aussi toute l’iconographie a été profondément remaniée. De nouvelles statues représentant les Jina ont été mises en place suivant les points cardinaux: à l’est Aksobhya, au sud Ratnasambhava, à l’ouest Amithaba, au nord Amoghasida et dans le sanctuaire central Vairocana. C’est une distribution similaire que l’on retrouve au Borobudur dans les niches des balustrades et au sommet du monument.Parallèlement à ces travaux, les Sanjaya restauraient leur puissance et, en 832, réunifiaient le pays à leur profit. Ce tournant politique a coïncidé avec un nouvel apport culturel et technique de l’Inde. C’est avec ces nouvelles connaissances que les Sanjaya se sont en quelque sorte réappropriés le Borobudur, en lui ajoutant des portes et des reliefs, mais ils se sont montrés tolérants en ne changeant pas la destination bouddhique du monument.Avec la fin de ces derniers travaux, vers 850, le monument a été considéré comme achevé, mais il a continué à être entretenu; on peut même observer de petites retouches sur les reliefs à une époque aussi tardive que le XIIIe siècle, et le roi Hayam Wuruk s’est probablement rendu, au XIVe siècle, au Borobudur comme semble l’indiquer le Negarakertagama , récit javanais décrivant un voyage du roi dans son royaume. Puis le monument a été abandonné tout en restant connu de tous dans la région, et lorsque Raffles, le gouverneur général anglais de Java, en 1815, a visité Semarang, les habitants n’ont pas manqué de lui signaler la ruine. Il s’y est rendu, en a immédiatement reconnu l’intérêt et en a fait faire le premier relevé par le topographe hollandais Cornelius.L’architecture et la sculptureLe Borobudur est construit sur une colline située à proximité du confluent de deux rivières, l’Elo et le Progo, sans doute pour évoquer le confluent saint, entre tous, du Gange et de la Yamuna. Le site a été entièrement aménagé par des travaux de terrassement considérables: il a fallu équarrir le sommet qui était ellipsoïdal et aplanir le plateau sur lequel se dresse le monument proprement dit. Les flancs de la colline eux-mêmes ont été transformés; sur les quatre axes, un grand escalier a été édifié, coupant des gradins de terre battue que l’on avait commencé à parmenter sur la face est. Mais cela n’est que la part à peu près achevée de l’aménagement. Il est probable que le premier maître d’œuvre avait pensé entourer le site d’eau; pour cela on a entrepris de détourner un ruisseau pour alimenter une douve qui n’a jamais été creusée – c’est en partie avec la terre provenant de l’excavation du canal qui aurait amené l’eau que l’on a fait des remblais sur la colline.Au-dessus de son soubassement, le Borobudur comprend quatre galeries constituées des gradins de la pyramide, fermées vers l’extérieur par une balustrade. Ces éléments sont pour la plupart ornés de reliefs. Ceux du soubassement qui sont aujourd’hui cachés illustrent le Karmawibhangga , texte décrivant la rémunération des actions; la plupart des panneaux sont divisés en deux parties: d’un côté les actes, de l’autre la sanction. Les reliefs ornant la première galerie décrivent sur la balustrade et le registre inférieur du mur les vies antérieures du Buddha historique. Sur le registre supérieur est illustré le Lalitavistara , récit de la vie du Buddha interrompu à l’épisode du sermon de Bénarès. Les quarante années que le Buddha a vécues après avoir prononcé ce sermon sont omises car elles ne comportent plus d’enseignements pour devenir un bodhisattva. Les implications du sermon sont indiquées par les reliefs des deuxième, troisième et quatrième galeries, illustrant le Gandavyuha , récit de la quête de la vérité par Sudhana, le fils d’un riche marchand. Ces reliefs ne sont pas toujours d’une grande fidélité au texte, en partie sous l’influence du contexte politique; aussi peut-on remarquer une certaine insistance à souligner l’échec de l’ascèse sivaïte. Parfois il existe une certaine incompréhension du texte ou le désir de le rendre plus clair pour les Javanais qui ignoraient les réalités du monde indien; ainsi le don de trois palais (le chiffre trois correspondant aux trois saisons de l’Inde alors qu’il y en a quatre à Java) que fait le père du Buddha à son fils, après son mariage, a été transformé en une scène amoureuse en trois épisodes: un coucher, une maison fermée et la toilette d’une jeune femme devant son époux.Le couronnement est formé d’un plateau entouré d’une balustrade, sur lequel s’élèvent trois terrasses: les deux premières ont un plan carré dont les côtés seraient des courbes; il ne s’agit pas d’une erreur d’implantation car les courbes sont symétriques, la troisième étant parfaitement circulaire. Chacune de ces dernières terrasses porte des st pa , trente-deux sur la première, vingt-quatre sur la deuxième et seize sur la troisième; au centre de cette dernière se dresse le st pa terminal qui contenait vraisemblablement deux chambres vides. Les st pa des deux gradins inférieurs ont des jours en forme de losange alors que ceux du gradin supérieur ont des jours en forme de carré qui, dans tous les cas, laissent voir une statue du cinquième Jina, Vairocana.Le sens et les ritesLe sens de cette composition est devenu impénétrable à la suite des modifications successives de l’édifice. Entre la volonté des différents maîtres d’œuvre – au moins cinq – et la vision que nous en avons, il s’est glissé tant de textes et de rites que l’interprétation de l’architecture est devenue un écheveau inextricable, alors que celle des reliefs pose peu de problèmes. Pour le croyant, il est vraisemblable que le symbolisme de cette architecture n’avait que peu ou pas d’importance; pour lui, le sanctuaire était la coquille dans laquelle il pratiquait un rite et ce qui comptait c’était l’efficacité de ces pratiques. On peut être certain que la lecture des reliefs et le parcours qu’elle imposait avaient leur part dans ce rite et il est probable que la circumambulation se pratiquait sur le plateau autour du couronnement.Bârâbudur ou Borobudurmonument bouddhique composé d'un ensemble de stûpa, élevé dans l'île de Java, près de Jogjakarta, vers le milieu du IXe s. C'est un chef-d'oeuvre de l'art indo-javanais.————————BorobudurV. Bârâbudur.
Encyclopédie Universelle. 2012.